Cinéma
Exemple: Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau (2011)
Monsieur Lazhar suit l’histoire d’un enseignant immigrant fraîchement arrivé dans une classe d’école primaire de Montréal après le suicide de son enseignante (Martine Lachance) alors qu’il traverse lui-même des épreuves personnelles.
Ce que l’on a beaucoup aimé
- Un portrait réaliste du deuil par suicide:
Le film met en lumière la palette complexe de réactions et d’émotions que provoquent un suicide sur ceux qui restent et qui ont à vivre avec cette tragédie. Qu’ils s’agissent des élèves, de leurs parents ou encore des enseignants de l’école, tous sont marqués par le suicide de Martine Lachance, mais ce long métrage insiste sur la diversité et la complémentarité des sentiments qu’ils éprouvent.
Ainsi, la jeune Alice, élève de Martine Lachance, nous laisse voir sa colère et sa tristesse. Son camarade Simon passe pour sa part par une phase de culpabilité très intense en raison du fait que le geste de son enseignante se produit très peu de temps après qu’il a rencontré une situation conflictuelle avec elle. Les parents d’élèves et le personnel enseignant nous donnent quant à eux principalement à voir le malaise et la confusion qu’ils éprouvent à la suite de cet événement.
- Une représentation fine d’un phénomène complexe et multifactoriel:
Sans jamais justifier ou glorifier le suicide, ce film fait le portrait d’un geste résultant de la combinaison de nombreux facteurs et offre des messages nuancés nous permettant de cerner avec délicatesse:
– Qu’il est impossible d’expliquer et de comprendre complètement ce geste, tel que le rappelle Monsieur Lazhar à ses élèves dans l’extrait présenté ci-dessus;
– Qu’une personne ayant des idées suicidaires présente la plupart du temps certains signes de détresse, même si ces derniers ne sont pas toujours vus par l’entourage, telles que plusieurs références le suggèrent dans le film;
– Qu’il est important de se défaire du sentiment de culpabilité que l’on peut éprouver, comme le souligne à différents moments certains personnages, puisque l’entourage n’a pas à porter la responsabilité du geste posé par un proche.
Ce que l’on a un peu moins aimé
Certains personnages de Monsieur Lazhar semblent par moment faire une condamnation implicite de l’acte de l’enseignante, notamment lorsque la jeune Alice explique qu’elle aimerait mettre Martine Lachance en retenue. Nous sommes bien sûr conscients que ces propos constituent l’expression de la colère et de la souffrance ressenties par le personnage, mais lors d’un processus de création, il peut être intéressant de se questionner sur la possibilité qu’un tel angle puisse être interprété comme une stigmatisation des personnes qui se suicident et non comme une manifestation de la frustration face à la perte d’un proche.
Un extrait significatif
Télévision et plateformes de diffusion continu en ligne
Exemple: Saison 2 de la série Plan B de Jean-François Asselin (2019)
La saison 2 de Plan B suit le parcours d’une mère (Florence) qui découvre sa fille (Marilou) décédée par suicide. Elle décide de recourir aux services de la compagnie Plan B, permettant de revenir dans le passé afin de réécrire l’histoire et d’empêcher le suicide de son enfant.
Ce que l’on a beaucoup aimé
- Une représentation réaliste faisant tomber des mythes :
La première force de la série Plan B est son réalisme dans la représentation des différentes réactions possibles à la suite immédiate d’un décès par suicide. Nous voyons ainsi à la découverte du corps de Marilou des réactions de choc, telles que la dissociation (de la part de sa mère), la tristesse (avec les pleurs de son père), le stress aigu (avec les cris de son frère).
Par la suite, en suivant Florence dans son utilisation d’un service lui permettant de remonter dans le temps et de revenir sur les événements précurseurs au passage à l’acte de sa fille, nous assistons à une excellente illustration de la réaction courante chez de nombreux endeuillés : la recherche des causes et l’obtention d’une explication claire derrière le geste posé.
De plus, en ayant recours à plusieurs reprises aux services de l’agence Plan B et en explorant par le fait même différents scénarios de vie, Florence expérimente l’aspect multifactoriel des causes d’un suicide. En effet, elle et son ex-conjoint se tournent vers différentes personnes (ex. : l’agresseur de Marie-Lou, ses amies, son grand-frère) et éléments de vie de leur fille (ex. : ses résultats scolaires, la séparation des parents, etc.) pour essayer d’expliquer son geste. La série évite donc de pointer un seul événement comme source de la souffrance de Marilou, ou comme cause de son suicide.
Enfin, le suicide de sa fille amène Florence à découvrir un certain nombre d’informations sur Marie-Lou et sur la détresse qu’elle vivait. Comme proche, nous n’avons en effet accès qu’à une seule partie de la vie de l’être aimé. Un suicide amène souvent l’entourage de la personne décédée à se rencontrer et par l’échange d’informations, à constater que des signes et indices étaient présents avant que le geste ne soit posé. Ainsi, la série Plan B aide à défaire le mythe qu’un suicide se produit sans avertissement et pourrait permettre à quelqu’un la visionnant de venir en aide à une personne en détresse par la reconnaissance de ces signes. - Une représentation qui nous donne des pistes d’action pour soutenir un proche :
Une autre grande force pour la prévention du suicide avec la série Plan B, c’est sa représentation de la nécessité de mobiliser plusieurs ressources, personnes et stratégies afin d’intervenir auprès de quelqu’un qui pense au suicide.
Ainsi, Florence constate très vite que ce n’est pas en essayant de « résoudre » seule les problèmes de sa fille qu’elle est capable d’influencer le cours des choses. Elle doit chercher l’aide d’autres personnes et retourner plus loin dans le passé afin de modifier des événements et aspects de vie qui, à première vue, semblent complètement déconnectés du suicide de sa fille. La série démontre ainsi que nous ne pouvons pas toujours réellement prédire quels seront les effets de chaque action et de chaque décision que nous prenons dans notre vie. Il est dès lors impossible de protéger complètement une autre personne de la souffrance. Dans le contexte d’un décès par suicide, cet aspect de l’œuvre pourrait ainsi venir apaiser un sentiment de culpabilité ou de regret chez les personnes endeuillées qui visionne cette série.
Aussi, dès le 2e épisode, nous pouvons constater à quel point la volonté de Florence d’exercer un contrôle sur la vie de sa fille et d’employer la force pour éviter son suicide ne fonctionnent pas. Elle adapte alors progressivement son attitude en priorisant le lien de confiance avec Marilou, même si elle n’est pas toujours en accord avec ses choix. Elle développe ainsi une plus grande tolérance, ainsi qu’une plus grande écoute, ce qui se rapporte à une posture que nous encourageons en prévention du suicide, celle de « gagner du temps ». Cette posture d’intervention aide à voir comment les attitudes, les choix et les actions de la personne qui souffre pourraient être motivés par une perception teintée par la souffrance et les idées suicidaires.
Ce que l’on a un peu moins aimé
Marilou rencontre dans tous les scénarios de sa vie, des difficultés qui lui apportent des symptômes dépressifs ou anxieux. Ces éléments nous ont poussé à nous questionner quant au fait que cela pourrait donner l’impression à certaines personnes vulnérables qui visionnent la série qu’une dépression, de l’anxiété ou des idées suicidaires sont inévitables à un moment ou un autre dans une vie.
Un extrait significatif